Hommage à Fred
J’ai eu du mal à le sortir, cet article. Quasiment 6 mois en fait. 6 mois sans que Cannafish ne publie aucun article. 13 janvier 2022, un séisme dans notre petit monde. Dans la journée je reçois une notification d’accident grave dans le secteur proche du bureau FTF. Je ferai hélas le lien plus tard. Cet hommage, je l’ai écrit la nuit après sa disparition. Une nuit à veiller, à scruter les messages qui sortaient sur lui. Je restais son chien de garde. Et l’article, j’étais juste incapable de le sortir. On se doute du pourquoi. Au début j’ai eu simplement du mal avec la pêche. Même à simplement regarder mes cannes. Et puis le temps passant, les questions trottant dans la tête… Fred aurait juste voulu que je continue. La pêche, les écritures, le reste. Je ne sais pas si je suis prêt, mais place à l’hommage que mérite notre Fred.

Fred, je l’ai rencontré au port de l’Arsenal. Il y a un peu moins de 20 ans. Il était avec une bande de jeunes, certains très jeunes même. Arturo, Francky, Mick, Nik, Max, … Les pionniers du street fishing à Paris.
Avec Fred on s’était bien trouvés car on avait les mêmes idées, si bien qu’on ne s’est plus vraiment quittés et qu’on a défendu également les mêmes causes. Je l’ai d’ailleurs rejoint dès le début dans les rangs de BBF, l’accompagnant sur quelques salons. Je pensais que c’était une secte, au démarrage, mais il m’a très vite prouvé le contraire. Je me souviens d’une sortie à Viry tous les deux, tous les trois même avec Ferdi bébé en poussette et la Volvo qui hoquetait. La fête de la Sange aussi avec Greg et Mick. Les sandres fouisseurs que Fred et moi, probablement un peu fatigués et éméchés, étions persuadés de voir dans le canal du Loiret, sous les rires moqueurs de nos deux acolytes. Et bien si ! Je maintiens : c’était des sandres ! 😉

Fred, c’était un grand homme. Vous ne pouvez pas tous vous en rendre compte si vous n’êtes pas de notre communauté « pêche », sous famille « pêche aux leurres, addicts au black-bass » mais il a été un véritable pionnier dans son domaine. eBay, street fishing, black bass, baitfiness, des idées, des concepts, un mouvement. Et pas du genre à garder ses trouvailles pour lui, bien au contraire. Alors forcément on a été rapidement sur la même longueur d’onde. Tous les deux en thèse à la même époque, j’avais un retard technique en pêche aux leurres (Arturo sait de quoi je parle) que j’ai très vite quasi comblé et il faut dire que Fred m’y a bien aidé. Ensuite, malgré quelques désaccords sans importance, nos chemins sont restés extrêmement proches. Si je n’ai jamais hésité à lui dire ses quatre vérités, on savait tous les deux que c’était pour son bien. Je l’ai aidé quand il a quitté le milieu académique pour travailler dans le monde de la pêche, chez LC en 2006 environ, rejoignant son ami Thomas au passage, et prenant la place d’un autre ami, Tanguy. Le tout sous l’œil bienveillant d’une autre légende (de la pêche au crankbait), Greg Steff. Ensuite il a monté sa société, vers 2009, m’offrant alors une part encore plus grande de sa confiance. Plume de FTF, j’étais parfaitement entouré. Arturo, David puis Stéphane (SDR) et plein d’autres amis et collaborateurs sont passés par les locaux FTF ces années-là. William est rapidement apparu et est aussi très vite devenu incontournable et indissociable de Fred. Que de bonnes ondes à cette époque. On surfait sur la vague street fishing que nous avions créée, la classe. Il faut dire qu’avec Reins, Fred avait eu le nez creux. Des leurres japonais de qualité à un tarif ultra attractif. Les jeunes et les moins jeunes ont adhéré immédiatement. Le RockVib Shad a bercé des générations de pécheurs en les aidant à berner des générations de perches. Il a aussi su miser sur le chevesne, poisson ultra disponible, démocratisant au passage les pêches aux insectes artificiels. Toujours plusieurs coup d’avance. Le Bait Finess en est un autre exemple. Hélas parfois il était aussi trop en avance (je pense à la marque Obasslive dont je veux décrypter la logique, en hommage à Fredo, quelque part), mais ça on ne peut pas lui en vouloir.

Fred savait aussi sortir le meilleur de gens. A cette époque on a aussi élevé notre implication associative d’un cran, passant de l’engagement local au niveau national. A l’annonce de l’arrêt de Franck Rosmann à BBF, on s’est juste regardés et sans un mot on a su quoi faire, à l’époque… Lui président moi bras droit homme à tout faire et c’était parti pour quelques années riches en projets, des années épuisantes mais aussi pleines d’émotions. On aura quand même relevé la TLC du bass à 40 cm et même obtenu de nombreux parcours dédiés à la réglementation spécifique. Localement, l’organisation d’événements pêche d’envergure nous a pas mal occupé. Pas franchement des concours, plutôt des grands rassemblements festifs avec un but noble, des empoisonnements massifs de notre poisson favori.

Évidemment, il y a eu des bifurcations. Du groupe de départ certains sont partis, d’autres sont venus, puis repartis aussi. En ces heures sombres évidemment je ne peux m’empêcher de ressasser tout ça. Mais comme Fred l’aurait fait, je dois passer outre et ne garder que le bon côté de ces moments là. Profiter…

Fred c’était aussi plein d’histoires de pêche évidemment. Plein de galères qui se terminent bien et qui génèrent des souvenirs et des fous rires. Au milieu de tout ça je me souviens de deux anecdotes parmi tant d’autres qui montrent sa passion. La première, je ne vais pas trop en parler car ses garçons vont devoir reporter des gilets de sauvetage dès qu’ils seront au bord du canal. Mais bref. Ferdinand, pas bien vieux, tombé à l’eau dans le canal, c’est quand même un moment fort, bien terminé heureusement). Un autre souvenir marquant c’est une sortie à l’électrique sur Orient avec Fabien (Poupou), David, Fred et Ferdi. J’avais laissé mon bateau à Fred et Ferdi ; et j’étais allé avec Fabien. Fred et Ferdi sortent du port, ils perdent l’hélice de l’électrique arrière en passant dans la boue (au lieu du chenal). Je me dis qu’on ne peut plus faire pire… Ils continuent, normal quoi. Et j’ai un coup de fil de Fred apeuré qui me dit qu’il est tombé à l’eau et que Ferdi est seul sur le JéBoat. On les retrouve, en les cherchant au thermique (là il y avait urgence). Fred est violet à notre arrivée, Ferdinand en perdition. Fred se colle dans sa voiture, chauffage à fond. Il dort 2h, se réveille et instantanément nous demande si on est prêts pour rentrer. Normal… Il y a aussi le coup du chevreuil percuté en allant aux Rencontres BBF et qui a terminé dans le coffre de la Volvo (cet amour indescriptible pour les Volvos, autre mystère…). Coco est encore traumatisé d’avoir terminé le voyage avec un bambi dead qui le regardait fixement… Plus je réfléchis plus j’en trouve. Plein de galères et autant de solutions improbables mais qui fonctionnaient. Dans un but unique, profiter de l’instant.
Fred, c’était aussi un référant reconnu mondialement. En témoigne la photo suivante. Quel meilleur guide que Fred pour un américain inconnu voulant essayer la pêche à Paris !?

Fred c’était aussi un bricoleur insatiable. Fan de vintage également, cherchant toujours à réparer. Ne jetant rien. Toujours à chercher comment les choses fonctionnaient, pourquoi tel leurre fonctionnait. Une bible de la pêche aux leurres, autant sur les nouveautés que sur les vieux trucs. Et cette envie d’essayer des choses, de créer. La création, on la retrouve aussi dans tout ce qu’il a pu faire. Des t-shirts, plein de goodies pour laisser un bon souvenir aux gens, et le plus souvent fait main. Fred avait aussi des connexions avec des milieux très différents, résultant dans un mélange des genres novateur et rafraîchissant.
Fred c’était de très nombreuses amitiés et on le voit encore aujourd’hui. Fred c’était une personne foncièrement bonne. Ayant toujours la petite attention, le petit mot, le petit geste. Vers les jeunes mais pas seulement. Vraiment le cœur sur la main. Nombre incroyable de messages sur les réseaux, et tous unanimes. Nombre énorme de personnes rassemblées le jour de ses obsèques, jour travaillé et pourtant, ces gens sont venus d’un peu partout : quatre coins de France, Belgique, Allemagne, Espagne, …
Fred avait créé aussi tout un bataillon de disciples. Il a aussi su donner leur chance à beaucoup de jeunes qui voulaient être sponsorisés. Et d’ailleurs je tiens à remercier les trois fidèles Mad Boys FTF qui lui ont rendu un bel hommage à leur façon en allant gagner le street de Liège 2022, un concours important pour Fred qui en était partenaire depuis le début. Merci aussi à Kirby pour la magnifique décoration du dernier radeau de notre pote.
Fred savait pardonner. Parce que forcément, un gars aussi gentil, beaucoup essayaient d’en profiter. Il n’était pas dupe, mais c’est juste sa nature qui était foncièrement bonne.
C’était aussi une personne aux multiples facettes. On le voit par la diversité de ses amis. Il avait de nombreuses passions qu’il a toutes vécues intensément. Un côté insouciant et frais qui faisait du bien à tous. Une présence rassurante.
Mais aussi un père de famille. Émilie, Ferdinand, Lucien et Eugène. Et aussi l’un des piliers de sa famille. Ceci force mon respect, toujours un peu plus.

11 juillet 2022 à 15:26
Salut Jé’, à lire ce superbe hommage, on comprends d’autant plus la lourdeur de sa disparition pour toi, un magnifique article que je ne eux que partager ! Courage encore ! Oliv’